Erwann Bleu
Messages : 21 Date d'inscription : 12/12/2008
| Sujet: Moore - Remarque(s) sur les Principia Ethica Sam 13 Déc - 20:25 | |
| Dans sa Préface à la seconde édition des Principia Ethica, Moore se critique lui-même. Et, à un moment, il critique l'expression suivante, qu'il a écrite : "G est G, et absolument rien d'autre" (où G désigne le sens du mot bon).
Il comprend cette expression en deux sens, et il exprime ainsi le second sens : "que G diffère de tout ce que nous exprimons par un mot ou une expression qui est autre que le mot "bon"".
Or pour se tirer de ce dilemme (qu'on ne peut définir "bon", puisque ce serait l'exprimer par des mots autres que "bon"), il pose l'existence de deux sortes de termes : les termes qui contiennent une analyse du terme que l'on cherche à définir, et les termes qui ne contiennent pas d'analyse de ce terme bien qu'ils en soient différents.
Et quels sont ces autres termes ? Tout simplement des synonymes. Nous utilisons des synonymes de "bon", qui seraient des termes ne contenant aucune analyse de "bon".
Deux remarques : - D'une part il est faux de dire qu'un synonyme ne comporte aucune analyse de ce avec quoi il est synonyme (au contraire, il sert à préciser le sens d'un terme, par distinction : autrement dit, lorsqu'on utilise un synonyme, on inclut une différence, même minime. En conséquence, un synonyme au "sens strict" - comme dit Moore - n'existe pas). - D'autre part, Moore conclut que les expressions tautologiques ne sont guère utiles à moins d'avoir un effet psychologique. Mais poser que A = A et rien d'autre permet justement de s'apercevoir de la vaste poésie/mystification qu'est le langage : car, logiquement, un mot n'a pas de définition, il ne peut en avoir. Et malgré cela, on l'oblige à en avoir une. C'est cela qui est à penser.
Référence : PUF, 1998, pages 17-18. | |
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Erwann Bleu
Messages : 21 Date d'inscription : 12/12/2008
| Sujet: Re: Moore - Remarque(s) sur les Principia Ethica Mer 17 Déc - 21:23 | |
| Moore critique également ce qu'il appelle la doctrine des "rapports internes" (en gros que deux choses vues par deux observateurs différents ne peuvent être identiques) de la manière suivante : - Moore a écrit:
- Ce que notre mise à l'épreuve nous permet alors de décider avec certitude, c'est que des propriétés telles qu'"être vu par moi" ou "être entouré d'un anneau de rouge" ne sont pas des propriétés intrinsèques [aux choses]. C'est, en fait, une doctrine qui a la faveur de certains philosophes qu'aucun rapport n'est purement "externe" ; ce que ces philosophes semblent vouloir indiquer par cette affirmation, c'est que, si une chose, A, possède quelque propriété que ce soit que ne possède pas une autre chose, B [comme le fait d'être observée par le même observateur au même moment], alors A et B ne peuvent être exactement semblables - c'est, en d'autres termes, qu'il doit y avoir une différence intrinsèque dans leurs natures. Or ce qui découlerait de cette doctrine si elle était vraie, ce serait bien sûr, que chaque propriété sans exception est telle que si une chose A, la possède et qu'une autre B, ne la possède pas, A et B ne peuvent être exactement semblables.
(je sais, la philosophie analytique, c'est très chiant à lire) Deux remarques : - D'une part l'analogie suggérée par Moore entre les propriétés "être vu par moi" et "être entouré d'un anneau de rouge" est extrêmement boîteuse, voire de mauvaise foi. En effet, la différence entre "moi" et "un anneau de rouge" est de taille, puisque le "moi" est capable d'observer, est un sujet doté d'une conscience et est le centre de réception des sens ; sa nature est totalement autre que celle "d'un anneau de rouge" qui entourerait la chose. - D'autre part, le fait que Moore continue de parler de "nature intrinsèque" de la chose montre qu'il ne saisit pas la problématique du "rapport interne". Cette problématique en effet ne continue pas d'opposer un sujet en face d'un objet (une chose) observé, mais dissout les limites du sujet et de l'objet dans un rapport d'indétermination (on ne sait plus qui observe quoi, les limites disparaissent). Il n'est alors plus du tout question de "nature intrinsèque" de la chose, c'est une question qui ne fait pas sens puisqu'il n'y a plus de "chose" observée. Référence : Ibid., page 35. | |
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