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 Hume - Essai sur le suicide (synthèse)

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AuteurMessage
Erwann Bleu

Erwann Bleu


Messages : 21
Date d'inscription : 12/12/2008

Hume - Essai sur le suicide (synthèse) Empty
MessageSujet: Hume - Essai sur le suicide (synthèse)   Hume - Essai sur le suicide (synthèse) EmptyDim 14 Déc - 11:39

Hume entend montrer dans cet essai que la peur de la mort, déjà intuitive chez l'homme, est encore renforcée par une superstition qui le paralyse : la crainte d'offenser le devoir qu'il aurait envers le Créateur en abrégeant sa propre vie dont les maux et les douleurs (morales ou physiques) sont devenus plus nombreux que les biens et les plaisirs. Ainsi, cette superstition oblige l'homme à s'enchaîner lui-même à une vie de plus en plus malheureuse au lieu de l'en libérer.

Hume cherche donc à "rendre aux hommes leur liberté originelle, en examinant tous les arguments courants contre le suicide, et en montrant qu'un tel acte peut être débarrassé de toute culpabilité ou blâme, si l'on se réfère au sentiment de tous les anciens philosophes."

Il commence par mettre en évidence le fait que le monde matériel et le monde des animaux, qui n'obéissent pas aux mêmes principes (l'un est immobile et ne connaît pas de passions, l'autre est mobile et est la proie de passions) s'entrecroisent sans jamais remettre en question la sauvegarde de la création : ainsi, lorsque les animaux font preuve de jugement et utilisent toutes leurs ressources pour survivre, dussent-ils pour cela empiéter sur le monde matériel (manger de l'herbe, briser des noix...), il n'en résulte ni "discorde" ni "désordre" au niveau du tout. Par conséquent, les facultés dont sont investies les créatures, humaines comme animales, ne sont pas un danger pour la sauvegarde des lois de la création et restent, à ce titre, soumises à la volonté du Créateur : c'est pourquoi humains et animaux peuvent utiliser sans restriction "toutes les facultés dont ils sont doués pour subvenir à leurs besoins, assurer leur bonheur ou leur survie."

Dès lors, quand un individu brave la peur naturelle de la mort pour se soustraire à une vie qui le fatigue ou le rend malheureux, il ne transgresse pas l'ordre du tout : il ne fait qu'utiliser un pouvoir dont le Créateur l'a doté et auquel il a le droit de faire appel. Mais, ce faisant, transgresse-t-il la providence divine en se substituant au Créateur ? Hume remarque qu'un homme peut mourir à n'importe quel moment et par des causes très diverses mais auxquels sont également soumis les animaux : il n'y a pas d'exception pour l'homme, sa vie obéit aux mêmes lois de la création que celle des animaux ("la vie d'un homme n'a pas plus d'importance pour l'univers que celle d'une huître"), il n'y a donc pas de raison de limiter l'étendu de ses facultés en accordant à l'homme une place spécifique dans l'ordre de la nature (et même si cette raison existait, il n'en resterait pas moins vrai qu'elle est soumise à ces facultés). De plus, puisque les causes de la mort sont très diverses, absolument rien ne prouve que l'acte du suicide ne soit pas une intervention de la providence divine au même titre qu'un accident impromptu : "Lorsque je tombe sur ma propre épée, par conséquent, je reçois ma mort des mains de la Divinité de la même manière que je la recevrais d'un lion, d'un précipice ou d'une fièvre".
Et si jamais il était vrai que la vie humaine soit la "chasse gardée du Tout-puissant", alors il serait tout aussi blâmable "d'agir pour la préservation de la vie que pour sa destruction" puisque dans un cas comme dans l'autre l'homme s'arrogerait un droit sur la vie humaine : ainsi, "quel crime y a-t-il donc à détourner quelques onces de sang de leur cours naturel ?"

Mais, s'il n'y a pas de crime, est-il néanmoins possible que le Créateur s'offusque de ce geste en y voyant simplement un manque de confiance en Lui ? Hume demande alors s'il est de l'ordre du possible qu'une existence puisse être malheureuse jusqu'à devenir indésirable si elle devait continuer ainsi. Or, ceci est un point avéré et reconnu, et même si une seule existence sur un milliard relève de cette possibilité, il n'empêche qu'elle existe et cela suffit. Ainsi, le pouvoir de se donner la mort serait le remède face à cette possibilité, et ce serait ceux qui refuseraient "stupidement" d'en user, bien que leur vie soit malheureuse, qui adresseraient des reproches muets au Créateur, puisqu'ils considèreraient qu'il n'a pas mis entre leurs mains le pouvoir d'échapper à cette possibilité et qu'ils ne sauraient pas le remercier pour ce qu'il leur a déjà offert. Hume renverse ainsi totalement l'argument de la soumission à la providence divine : "et si jamais la douleur ou le chagrin avaient raison de ma patience au point de me lasser de la vie, je pourrais en conclure que je suis relevé de mon poste dans les termes les plus clairs et les plus explicites", et c'est celui qui ne comprendrait pas ça qui serait impie.


Maintenant qu'il est démontré qu'un homme ne commet aucune violation du devoir divin en se suicidant, puisqu'il ne fait qu'utiliser une ressource qui a été mise à sa disposition par le Créateur, il faut examiner s'il commet un manquement au devoir envers la société. Pour cela, Hume déclare que le Créateur nous fait savoir qu'une action est néfaste à la société grâce aux sentiments qu'il a induit en nous : c'est-à-dire, vis-à-vis de nous-mêmes, le remords, et, vis-à-vis des autres, le blâme et la réprobation. Y a-t-il donc du remords ou de la réprobation à éprouver face au suicide ?

Quand un homme meurt, il ne peut commettre aucun mal à la société puisqu'il ne peut plus agir. Ainsi, tout ce que l'on peut dire de cet homme est qu'il cesse simplement, au pire, de faire le bien. Et, du fait de cette incapacité d'agir, il ne réclame alors plus de bénéfices de la société en échange du bien qu'il produisait à celle-ci : il en est détaché et indépendant.
Et Hume de montrer des cas où le suicide est même recommandable par rapport à ce que demande la société : cette dernière ne peut pas demander à un individu de lui prodiguer du bien s'il ne reçoit en échange que du malheur, ou si son action, même bienfaisante pour la société, engendre pour lui plus de malheur que de bonheur (il est permis de demander à abandonner son travail si la maladie ou l'infirmité empêchent de le mener à bien rappelle Hume) ; renversant encore l'argumentation, Hume précise que parfois c'est le soucis même de l'intérêt général qui pousse un homme à se suicider (par exemple lorsqu'il devient pour la société un fardeau ou qu'il doit protéger les intérêts de celle-ci face à l'ennemi). Il n'y a ainsi aucun crime à anticiper des malheurs futurs grâce à ses facultés puis de vouloir se libérer de l'angoisse qu'ils procurent (et, dans le cas d'un criminel allant être torturé, la société se trouve libéré d'un membre "pernicieux").


En conclusion, Hume pose que le suicide ne saurait être interdit ni même blâmable à partir du moment où l'on reconnaît qu'une existence puisse devenir pour un individu une source de malheur bien pire que l'annihilation de soi - c'est même, dans le cas d'une telle existence, un devoir envers soi-même que nul ne saurait contester. Il faut souligner aussi que Hume considère l'horreur de la mort comme un repoussoir naturel au suicide puisque rien dans la mort ne pourrait nous "réconcilier avec elle" par des "motifs futiles". Ce qui signifie qu'un homme séduit par la mort ne peut l'être que pour des motifs sérieux, contre lesquels rien de ce qui est couramment admis ne pourrait avoir d'importance. Et si le sens courant ne parvient pas à admettre qu'une situation particulière réclamait une telle solution extrême, il faut alors supposer chez l'individu concerné "une humeur dépravée et triste" l'empêchant d'éprouver du plaisir et même le rendant malheureux car "jamais aucun homme ne se défit d'une vie qui valait la peine d'être conservée" à ses yeux.
Le suicide reste donc, selon Hume, un acte garantissant le bonheur d'un individu, et c'est pour cela que cet acte doit être libéré de toute crainte et de toute superstition car "si le suicide est censé être un crime, alors seule la lâcheté peut nous y conduire. Si ce n'est pas un crime, tant la prudence que le courage devraient nous engager à nous débarrasser nous-mêmes promptement de la vie lorsqu'elle devient un fardeau. C'est la seule façon d'être utile à la société, en montrant un exemple qui, s'il était suivi, conserverait à chacun sa chance d'être heureux dans la vie, et le libèrerait efficacement de tout danger de malheur".


Dieu ne peut décider de se donner la mort, privilège suprême accordé à l’homme au milieu des nombreux maux de la vie.
(Pline)



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